"L'Eté Photographique" de Lectoure en est à sa 25ème édition.
(Et j'en ai un peu honte, mais je ne le découvre que cette année...)
Ca se passe du 29 juillet au 24 août,
et il est encore temps d'y aller, pour deux bonnes raisons :
d'une part, la jolie ville de Lectoure mérite d'être découverte
au cours de la flânerie qui vous permettra de visiter les six lieux d'expositions...
En plus, il y a un bistrot qui ressemble à une guinguette,
avec une belle terrasse très agréable,
(Je ne me souviens plus de son nom, mais on ne peux pas le rater en arrivant...)
D'autre part, cet Eté Photographique se caractérise par "son éclectisme
et son ouverture à toutes les formes de création artistique"
ainsi que le présente François Saint Pierre,
le directeur du Centre d'Art et de Photographie de Lectoure...
Par exemple, le travail de Constance Nouvel
qui passe "du plan au volume" en faisant "émerger les dimensions conceptuelles,
plastiques et imaginaires de la photographie"...
Ou l'installation surréaliste de Pilar Albarracin
qui "questionne la justice" dans une des salles l'Ancien Tribunal
avec une tête de cheval déposée au sol devant une vidéo...
Dans l'école François Bladé sont exposées des oeuvres
d'artistes diplômés de l'école des Beaux Arts de Toulouse.
Parmi eux, une seule, Marion Brusley, propose une utilisation de la photographie
(pas de photos de ses photos ici, voir plutôt sur son site).
J'ai retenu pour ma part l'impressionnante et ludique
énorme boule de béton cellulaire,
directement taillée sur place par Kirill Ukolov pour cette exposition...
Enfin, sous la halle, au centre du bourg,
a été aménagé un magnifique espace d'exposition,
qui fait la part belle (a-t-on envie de dire) aux photographies.
Ainsi, les tirages géants de "Undercover, théatres d'opérations"
présentent les images réalisées par Matthias Bruggmann
autour de conflits armés, de révolutions, de catastrophes diverses,
autant de "scènes" périphériques, autour et/ou après l'action,
complémentaires du travail des "vrais" photojournalistes...
Notez bien qu'il y a bien d'autres choses à voir
dans ce 25ème Eté Photographique...
Je ne vous propose ici que quelques coups de coeur personnel.
Pour une vision plus complète de ce savant mariage
entre l'art contemporain et la photographie,
je vous invite à vous rendre à Lectoure avant le 24 août...
.../...
Dans la troisième "salle", des photos d'un plus grand format.
"Chambre" devrais-je écrire...
Puisqu'on est ici dans des pièces d'habitation
qui portent encore les traces d'une occupation domestique :
tapisseries suranées, voilages nostalgiques devant les fenêtres,
cables électriques décharnés, luminaires poussiéreux...
Les tirages numériques sur papier d'Alain Astruc
sont simplement punaisés sur les murs.
Des "murs d'instantanés" qui invitent à "se laisser guider",
"se laisser aller à la surprise".
Là encore, la simplicité du dispositif convient parfaitement
à l'esprit précaire du lieu...
Au dessus de la porte, il y a une image pieuse,
du genre de celles que l'on ramène d'un voyage à Lourdes,
une "apparition de la vierge" que l'on oublie donc un jour,
lorsqu'on enlève les meubles, qu'on abandonne les lieux.
Alain Astruc a judicieusement diposé à côté, sans y toucher,
donc légèrement excentrée dans une forme de respect,
une photo un peu mystérieuse...
On y devine l'envol d'une colombe.
Ou son apparition ?...
Je perçois dans ses images la rêverie silencieuse et intime de l'auteur...
...
Au moment de sortir de la pièce, je retourne soudainement sur mes pas.
Je reviens voir la nuque de cette fille inconnue,
qui, lorsque mon regard l'avait caressée un instant auparavant,
avait agité, tout au fond de moi, des sentiments que je croyais assoupis.
Est-ce cette boucle brune, rebelle, sur le cou ?
Est-ce le grain de sa peau sur la naissance de l'épaule ?
"Elle" est tournée, et ne (me) regarde pas...
Mais elle ne part pas.
Elle attend...
Dans la dernière pièce, à l'autre bout du couloir,
Laure Maugeais a mis en scène un "refuge"
pour ses propres photos.
La lumière tamisée, l'ambiance "cosy" effleurée
évoquent l'enfermement douillet de ses voyageurs immobiles
dans l'univers clos de leur caravane immobilisée sous la neige...
Pour en savoir davantage sur les photographes et leur oeuvre :
Virginie Plauchut :
http://www.virginieplauchut.com/fr/portfolio-13756-0-40-echo.html
Karine Maussière :
http://www.karinemaussiere.com/
https://itunes.apple.com/fr/book/chambres-dailleurs/id508367978?mt=11
Alain Astruc :
http://alainastruc.com/
https://www.flickr.com/photos/alainastruc/sets/
Laure Maugeais :
http://www.lauremaugeais.com/index.php?/albums/en-attendant-que-la-neige-fonde/
Le site officiel des "Rencontres Photo" :
http://www.lesrencontrescastelfranc.sitew.com/#Accueil.A
.../...
Castelfranc, c'est dans le Lot (46),
entre Cahors et Puy-L'Evêque...
Et l'été, il peut y faire très, très chaud.
Il y a dans le village, une dizaine de lieux d'exposition,
tous inattendus, dans des granges habilement nettoyées et aménagées,
ou dans l'entresol de maisons anciennes,
ou carrément chez l'habitant, "chez les gens"...
A l'écart, à l'entrée du village, il y a "les Ateliers",
une maison vide au bord de la route...
On y accède après avoir marché un moment en plein soleil,
et on est tout heureux d'y trouver une semi-pénombre accueillante...
Je dis "on", mais en fait je ne suis pas sûr que tout le monde ressente ça :
le jour où j'y suis allé, je n'ai rencontré personne à cet endroit.
Peut-être ai-je été le seul à affronter la canicule jusqu'en haut de la route
pour voir quelques photos ?...
En tout cas, j'y ai eu, moi, une illusion de fraîcheur...
Et la photo a fait le reste...
Dans le première salle, les tirages de Virginie Planchut
simplement collés sur la tapisserie "vintage" donnent le ton...
Un voyage, une "errance au carré", une suite d'instants...
Dans la salle suivante, un autre voyage, celui de Karine Maussière.
Les images sont minuscules, mais les textes abrupts et incisifs,
minimalistes comme des sms,
semblent provenir directement du bout du monde,
et attirent toute mon attention...
Je cite :
"shanghai, août 2006
Il est percé aux tétons. il aime quand j'attrape ses percing
et que je tire fort. on fait l'amour, on s'arrête, on ne se parle pas.
on recommence. on ne se parle pas. langue étrangère.
une statue dans la chambre me fait de l'oeil.
on recommence jusqu'au petit matin."
Bien...
Mais pourquoi ne pas mettre de majuscules après les points ?...
C'est pas une critique, juste une question existentielle marginale.
Textes et photos sont fascinants et,
davantage que la pénombre qui s'est avérée à ce sujet trompeuse,
le voyage de Karine m'a fait oublier l'intensité de la chaleur...
(à suivre)
.../...
(Avec les photos des oeuvres de :
Darius, Bob Morse, Camille Galzan, Karyne et Juan Carter "El Gato")
Le site officiel des "Rendez-vous singulier(s)" :
http://www.lesrendezvoussinguliers.com/
La corde...
Lettre à Edouard Manet
de Charles Baudelaire...
"Quels ne furent pas mon horreur et mon étonnement quand, rentrant à la maison, le premier objet qui frappa mes regards fut mon petit bonhomme, l'espiègle compagnon de ma vie, pendu au panneau de cette armoire !..."
"Ses pieds touchaient presque le plancher ; une chaise, qu'il avait sans doute repoussée du pied, était renversée à côté de lui; sa tête était penchée convulsivement sur une épaule ; son visage, boursouflé, et ses yeux, tout grands ouverts avec une fixité effrayante, me causèrent d'abord l'illusion de la vie.
Le dépendre n'était pas une besogne aussi facile que vous le pouvez croire. Il était déjà fort roide, et j'avais une répugnance inexplicable à le faire brusquement tomber sur le sol. Il fallait le soutenir tout entier avec un bras, et, avec la main de l'autre bras, couper la corde.
Mais cela fait, tout n'était pas fini; le petit monstre s'était servi d'une ficelle fort mince qui était entrée profondément dans les chairs, et il fallait maintenant, avec de minces ciseaux, chercher la corde entre les deux bourrelets de l'enflure, pour lui dégager le cou."
Extrait de "La corde" dans "Le Spleen de Paris", repris en 1864 sous le titre "Petits poèmes en prose".
L'intégralité de ce texte de Baudelaire peut être lu ici :
http://baudelaire.litteratura.com/?rub=oeuvre&srub=pop&id=168
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Charles Baudelaire, "Causeries" (Les Fleurs du Mal)