"Le grand abandon mou
qui entoure la ville..."
"Avec ma mère, nous fîmes un grand tour dans les rues proches de l'hôpital,
un après-midi, à marcher en traînant dans les ébauches des rues qu'il y a
par là, des rues aux lampadaires pas encore peints, entre les longues façades
suintantes, aux fenêtres bariolées des cent petits chiffons pendants,
les chemises des pauvres, à entendre le petit bruit de graillon qui crépite
à midi, orage des mauvaises graisses..."
"Dans le grand abandon mou qui entoure la ville,
là ou le mensonge de son luxe vient suinter et finir en pourriture,
la ville montre à qui veut le voir son grand derrière en boîtes à ordures..."
"Il y a des usines qu'on évite en promenant, qui sentent toutes les odeurs,
les unes à peine croyables et où l'air d'alentour se refuse à puer davantage..."
"Tout près, moisit la petite fête foraine, entre deux hautes cheminées inégales,
ses cheveaux de bois dépeint sont trop coûteux pour ceux qui les désirent,
pendant des semaines entières souvent, petits morveux rachitiques,
attirés, repoussés et retenus à la fois, tous les doigts dans le nez,
par leur abandon, la pauvreté et la musique."
Extrait de "Voyage au bout de la nuit" de céline.
Photographies : @lsemo 2014
Série "Hangars"
(Dans l'ordre : "hangar 10", "hangar 8", "hangar 82", "hangar 9".)
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